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Flemmards...
Nous sommes donc des flemmards, c’est en tout cas ce que soutient finalement l’article de la « Fondation Jean Jaurès » : ici.
Le lisant on y trouvera une batterie d’arguments « vraquiers », mais souvent objectifs et factuels, avouons-le ! Ainsi de la perte de capacité pulmonaire moyenne des jeunes générations ne s’invente pas, le surpoids en croissance dans la population est une réalité...
On y trouve aussi un passage les mains des travailleurs devenues trop douces en comparaison de celles de nos ancêtres, couvertes de callosités prises comme autant de scarifications attestant de l’engouement prononcé pour l’activité...
Surtout on y insiste sur la « fragilisation psychologique et mentale » (sic) des français, affrontant les crises qu’égraine un monde en profonde mutation : ainsi en va-t-il de la crise pandémique, terroristes, écologique, économique si l’on veut, et la dernière avec une Ukraine violée par une Russie déboussolée, depuis février 2022. L’angoisse résultante laisserait derrière elle un long sillage d’angoisse dans les cœurs, allongeant à chaque jour une liste de symptômes déjà lourde : l’agressivité sur les routes subit en hausse remarquable, traduite par l’augmentation chronique des grands excès de vitesse, la résistance l’autorité publique s’exacerbe, en témoigne la dernière exécution d’un agent du fisc en plein contrôle, les gilets jaunes etc...
C’est alors seulement que la question de la flemme est abordée en tant que telle.
Selon le même article, l’une de ses manifestations les plus remarquables se trouve dans la régression de l’appétence à la sortie du domicile, nourrie et organisée par un marché qui se réorganise dans ce sens : ainsi compte-t-on la baisse des fréquentations des salles de cinéma, la santé économique des vendeurs de vidéo projecteur, celle des plateformes de diffusion et autres Delivroo. Tous feraient de cette flemmingite aigue un véritable business model, magie des mots... Du factuel numéraire, l’argent expliquerait donc tout...
Et, histoire d’enfoncer le clou, il y aurait eu la « grande démission ».... Aux USA 11 millions de démissions relevées, en France les chiffres sont hors proportion. Les dommages collatéraux d’une véritable pandémie, celle-là, seraient donc d’avoir interrompu un élan économique ?
Ceci étant je suis dubitatif quant à la formule « épidémie de flemme », largement reprise par les médias... En effet, qui communique sur ces sujets, comment et pourquoi ? Certainement pas cette partie de la jeunesse qui décide de claquer la porte au bon vieux business et s’installe hors des circuits économiques. Ils n’ont rien contre le fait d’entreprendre. La question est ailleurs. Et il semble que cette frange de la jeunesse ne compte pas, puisque invisible aux thérapeutes et autres mécaniciens de l’argent et de l’organisation de la société. Les éléments langagiers doivent assumer leur responsabilité : on entend parler « d’épidémie de flemme » (comme il y avait une épidémie de suicides chez orange...), il faut « réparer la France » etc... Nous n’inventons rien ici... Mais les mots ont un sens, les utiliser est révélateur.
J’ai été surpris de constater que la Fondation Jean Jaurès semble ne faire que si peu de cas de la question du sens du travail. Celui-ci arrive bien tardivement dans l’analyse, comme marginalisé... Est-ce un biais de ma part ?
Mais tout de même, voici qui est intéressant à extraire : « Parallèlement à la perte du sens du travail du fait du poids croissant des « process » et de l’impératif financier, les nouvelles conditions de travail devenues parfois la norme [...] ont sans aucun doute joué un rôle non négligeable dans la perte d’appétence à se rendre au travail chaque matin et dans le sentiment de ne plus « s’y retrouver » quand les salariés effectuent la balance coûts/avantages. »
Beaucoup, sinon tout, est dit. Les process dont il est question nous les avons vécus en Corporate. Il y a une véritable machinisation de toutes les tâches, à telle enseigne que le degré de liberté des cadres s’est vu progressivement réduit à la portion congrue depuis plusieurs années. Désormais le cadre vit ce qu’a vécu l’ouvrier dans la montée du capitalisme. Eh oui !
Comment reprocher à quelqu’un de ne pas avoir envie de travailler alors que les conditions au travail se sont si sévèrement détériorées ces dernières années dans nombre d’entreprises. N’est-ce pas méjuger que de reprocher aux français une flemme là où il n’y a que demande de sens ? N’y a-t-il pas confusion des genres ? ... Est-ce que s’interroger sur le sens ou sur le climat, d’attendre d’avoir des réponses c’est faire preuve de flemme ?
Certes, lorsque l’attente est passive... nous pouvons l’envisager... D’autant plus que la question du sens ne connaitra jamais de réponse définitive ! En réalité nous appartient vraisemblablement de mettre le sens « en acte », c’est-à-dire de l’actualiser en permanence (du moins je le crois), plutôt que de nous faire croire (et les Corporates sont fortiches pour ça) que le sens est « en puissance », subordonné à tel ou tel effort, tel engagement, au prix de notre corps et de notre âme (comme le souligne l’article de la Fondation !), au prix de si peu de retour, et surtout à nous entretenir dans l’illusion qu’alors nous serons heureux... Faut-il s’étonner de l’apparition de ce nouveau vocabulaire, des mots comme « burn out », « bore out », des « hashtags » comme #quitmyjob etc... Passons..
Alors ? Le sens, « en acte » ou « en puissance » ?
Allez... #penser_compte
Envoyez-nous donc vos suggestions dans l’onglet « A Vos Claviers », sous l’onglet Think Tank.
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