Marie-Noelle François
MARIE-NOELLE FRANCOIS, UN ESPRIT LIBRE
Elle a marqué notre président, Emmanuel Banon… et vraisemblablement aussi beaucoup d’autres ingénieurs. Se qualifiant volontiers de professeur atypique, Marie-Noëlle François a profité d’une liberté d’action dans son activité professionnelle, pour aller à la rencontre d’autres personnes, voir d’autres choses, voir d’autres modes de fonctionnement. Elle a apprécié la bienveillance de René Dusautois, et la confiance de Christophe Fachon.
Alors ? Marie-Noëlle : enseignante hors norme... ou enseignante INSPIRANTE ?
AIISA : Marie-Noëlle. Qu’avez-vous fait à l’ISA ?
Marie-Noëlle : Je suis arrivée à l’ISA comme professeur en 1989, école que j’ai quittée en 2019. J’étais au départ Responsable de la formation en 2ème et 3èmeannées pour TecoBio, formation commune à l’ISA et SLST.
En 1994, j’ai réintégré l’ISA en poursuivant mes enseignements et ma mission de Responsable administrative et financière du domaine d’approfondissement CESIA sur la qualité en agro-alimentaire, ouvert également aux candidats extérieurs titulaires d’une maîtrise ; en collaboration avec l’ENSIA Massy, école dont j’étais issue.
Après le départ de Monsieur Jakubczak en 2000, j’ai assuré l’enseignement de la microbiologie et je suis devenue Responsable pédagogique et administrative de ce cycle. J’ai donc enseigné la microbiologie, le génie des procédés, l’agro-alimentaire, la qualité et les systèmes de qualité, etc… J’ai assuré des cours également dans les Universités et écoles d’Ingénieurs de la Région Nord Pas de Calais, tant en public qu’en privé.
AIISA : Est-ce que 2003 fut une année de changement dans votre parcours ?
Marie-Noëlle : Oui, le monde de l’entreprise me manquait. Alors, en 2003, j’ai repris une formation à mi-temps pour adultes d’un Master en Ingénierie Agro-alimentaire par apprentissage J’y ai donc découvert le principe de l’alternance et les méthodes d’enseignement participatives ! Cela a débouché en 2004 sur la création de mon entreprise d’Audit-Conseil-Formation en qualité Agro-alimentaire. De 2005 à 2019, j’ai assuré un mi-temps à l’ISA et un mi-temps pour développer mon entreprise, ce qui me convenait complètement.
AIISA : Qu’est-ce qui vous a marqué chez les étudiants de l’ISA ?
Marie-Noëlle : J’ai suivi toute ma formation dans le public, et en arrivant à l’ISA, j’ai été touchée par la prise en considération des étudiants, et parallèlement, le souhait de l’encadrement et de la direction pour la réussite de tous. Dans le public, nous devions être plus autonomes et nous débrouiller par nous-mêmes.
Cet aspect positif faisait que nous avions vis-à-vis des étudiants une grande disponibilité, nos bureaux étaient ouverts. Par moment, cette disponibilité pouvait être pesante. Il y avait une bonne ambiance dans l’école, un esprit jovial, bon enfant, pour résumer un vrai esprit de corps. Dans nos domaines scientifiques, le travail et la rigueur sont nécessaires pour aborder les documents qui semblent rébarbatifs au premier abord. Moi qui n’avais pas connu ça, je les enviais parfois. Cette protection, cet encadrement vers la réussite avaient quelque chose de rassurant.
AIISA : Que retenez-vous de la dynamique innovante de l’ISA ?
Marie-Noëlle : Avec la mise en place des nouvelles filières de formation - AGROQUAL Environnementaliste et l’Ingénieur par l’apprentissage, j’ai pu encadrer des étudiants sur leur stage ou dans leur lieu d’apprentissage. J’ai découvert des nouvelles méthodes d’enseignement en lien avec l’apprentissage, de nouveaux publics moins privilégiés. Ces méthodes faisaient également écho avec les enseignements de mon Master Professionnel récemment acquis.
Cette variété dans nos étudiants fut une bouffée d’oxygène dans un monde assez clos avec ses codes. Avec mon tempérament autonome, j’étais contente de faire autre chose. Cela m’a permis d’avoir de nombreux contacts avec les entreprises, que j’ai utilisés pour enrichir mes enseignements. Avec l’arrivée des ITIAPE, nous avons découvert les méthodes participatives venant du Canada où l’apprenant est au cœur de son apprentissage, il est très moteur de son enseignement. La construction du savoir se fait en groupe, l’apprentissage est inversé. Le professeur est le relais, la courroie de transmission du savoir, et sort de son rôle de seul sachant. Ces méthodes demandent une grande implication et beaucoup de préparation de la part de l’enseignant.
AIISA : Comment avez-vous perçu les évolutions de l’école ?
Marie-Noëlle : L’ISA est une école qui a beaucoup évolué, qui s’est modernisée, en perpétuelle recherche de nouvelles idées, de changements.
Bien que cela puisse être également perturbant, il y avait une dynamique positive vis-à-vis de la nouveauté.
De nouveaux professeurs d’horizons différents sont arrivés. Nous pouvions mettre en place des méthodes innovantes, moins classiques, parce que nous avions des effectifs restreints de 20 à 40 dans certaines spécialisations. Ces méthodes participatives étaient intéressantes.
Néanmoins, au fil du temps, l’école a dû admettre de plus en plus d’élèves, notamment dans le parcours ISA dit « intégré » pour des raisons économiques - nous pouvons le comprendre ! - Pour nous, professeurs et enseignants, ce fut une difficulté. Avec des grands groupes, nous ne pouvions être que dans un enseignement transmissible.
AIISA : Comment vivez-vous « l’après ISA » ?
Marie-Noëlle : Je m’achemine vers la retraite pour la fin de l’année. Actuellement, je travaille à 90% pour Audit-Conseil et Formation que j’ai créée en 2005, et je continue d’assurer 10% de mon temps d’enseignement dans divers lieux. Quand bien même j’ai besoin de voir des entreprises, j’aime beaucoup le contact avec les jeunes.
AIISA : Que retenez-vous de votre expérience parfois hors du cadre ?
Marie-Noëlle : Comme enseignante à l’ISA, je bénéficiais d’une liberté d’action, liberté des horaires, liberté d’organisation dans le respect du planning défini avec les autres professeurs et les responsables/coordinateurs pédagogiques.
Cette liberté d’organiser mes journées fut précieuse quand mes enfants étaient petits, et elle m’a donné l’opportunité de m’investir ailleurs : enseignement de la musique, mais surtout défense des salariés, sujet qui me tenait particulièrement à cœur. J’ai siégé au Conseil de Prud’hommes de Lille pendant 18 ans. j’y ai appris beaucoup de choses que j’ai pu réinvestir dans mes enseignements, notamment sur le droit du travail et la sécurité au travail. Cela me fut très utile dans l’accompagnement des étudiants dans leur stage. Cela m’a ouvert à de nouvelles compétences, des qualités humaines d’écoute, de compromis, un autre regard sur les évènements. Ce fut une expérience extraordinaire, qui m’a beaucoup apporté, au-delà de ce que je pouvais imaginer !
Merci Marie-Noëlle. « Bon vent » pour votre retraite toute proche !...
Propos recueillis par Odile DEVRED (Promo 1982, ISA 16)
Juin 2023