JEAN-MARIE SERONIE 1
L'Odyssée paysanne vers 2041
(1/ 2)
Jean-Marie SERONIE, diplômé d’AgroParisTech, ex-directeur de CER France, est aujourd’hui auteur et agroéconomiste indépendant.
Il a accepté de répondre aux questions de l’AI ISA Lille, à l’occasion de la sortie de son nouvel ouvrage « 2041 L’Odyssée Paysanne ».
Sa connaissance et ses observations de l’économie et du fonctionnement du monde agricole depuis 40 ans lui permettent de dégager certaines perspectives d’évolution, de transition et d’adaptation pour les 20 ans à venir. Explications.
NB : Cette première interview lance une série de conversations que l’AI ISA Lille souhaite mener avec de grands observateurs et experts du secteur.
Par Emmanuel BANON, Président de l’AI ISA
Les Français sont-ils satisfaits de leur agriculture ?
Les Français aiment beaucoup les agriculteurs et les agricultrices. En revanche, ils méconnaissent le travail des agriculteurs et leurs pratiques. Par exemple : 24% des consommateurs affirment que les agriculteurs ne font rien pour l’environnement, mais 54% sont pourtant persuadés de bien connaître les agriculteurs. De leur côté, 86% des agriculteurs pensent avoir réduit leur impact environnemental mais seulement 10% d’entre eux disent que les Français les connaissent bien. Ce que les agriculteurs vivent mal, c’est ce décalage, cette défiance et ces critiques permanentes des consommateurs qui leur reprochent leurs pratiques ainsi qu’une certaine inertie. Alors que, dans la réalité, l’agriculture bouge, mais peut-être pas assez vite ou pas de manière assez visible pour le grand public.
Comment réconcilier l’opinion avec l’agriculture ?
Des pistes pour réconcilier l’opinion avec l’agriculture se dessinent et passeront par exemple par le développement de l’agroécologie.
Pourquoi l’agro-écologie ?
L’agro-écologie est une science, qui priorise toujours le naturel sans bannir totalement les intrants chimiques. Le but ne se résume pas à réduire l’impact de l’agriculture sur la nature, le but, c’est d’utiliser la nature comme facteur pour la production agricole. Alors l’agriculture écologiquement intensive est possible : une agriculture qui intensifie les rendements grâce aux process naturels et écologiques.
Comment y parvenir ?
Il faut des ingénieurs, des chercheurs, et des agriculteurs formés à ces nouvelles pratiques. C’est ça qui est enthousiasmant dans l’histoireet qui rend optimiste : il y a des voies possibles! Mais il existe aussi des incertitudes et des inquiétudes à cause notamment du réchauffement climatique et de tous ses impacts. On entre donc dans une période à la fois excitante et pleine de promesses avec l’agro-écologie, l’épigénétique, les perspectives ouvertes par la connaissance des microbiotes et des tas de découvertes à faire, mais d’un autre côté on entre aussi dans une période incertaine et peut être plus sombre. Ce qui fait que, durant les 20 ans qui viennent, il va y avoir des transformations au moins aussi importantes que la révolution silencieuse des années 1950-60 qui, avec les intrants chimiques et la mécanisation, a entraîné une véritable révolution du métier des agriculteurs.
Réduire significativement l’utilisation des intrants chimiques ! Avez-vous un exemple ?
Oui, celui des néonicotinoïdes : il n’existe à l’heure actuelle pas de solution de remplacement mais des combinaisons de pratiques. J’ai assisté l’année dernière à une assemblée générale de la CGB : ils applaudissent l’agroécologie, ce qui était impensable il y a encore 2 ans. Ils ont su changer d’esprit et d’approche face à l’évolution de ces exigences.
Janvier 2023