Jacqueline VANDECADELAERE
ENTRETIEN AVEC JACQUELINE VANDECANDELAERE
Elle a passé 30 ans à l’ISA ; 29 promotions d’élèves-ingénieurs l’ont eue comme professeur à un moment ou un autre de leur cursus. Par les fonctions et responsabilités qu’elle a assurées, elle fut un des piliers de l’école.
Merci à Madame Vandecandelaere pour cet entretien et son action pour les ISAs.
AIISA : Bon nombre d’ingénieurs arrivés à l’ISA dès la première année vous connaissent bien pour leur avoir enseigné les mathématiques notamment. Outre cet enseignement, quelles activités avez-vous exercé à l’école ?
Mme V. : J’ai enseigné à l’ISA de 1972 à 2001 : les mathématiques en 1ère année et les statistiques en 2ème année. En même temps ou successivement, j’ai eu la responsabilité de la 2ème année d’une promotion, celle de la « rupture » à ses débuts, l’organisation de la semaine d’enquêtes avec Monsieur Lévêque, l’introduction de l’informatique à l’ISA et dans la formation, la responsabilité du secteur « Sciences Exactes », notamment avec Sébastien Malésys, et du secteur « Formation Humaine » avec l’Abbé Veys - avec qui je suis restée longtemps en relation. C’est sans aucun doute dans la mise en place des projets en A3 dans le cadre des OAD (Outil d’aide à la Décision) que j’ai trouvé le plus de plaisir. Cette activité a été possible après l’obtention d’un master (= DEA) en « Economie Mathématique et Macro-économie Appliquée » à Paris X Nanterre, alors que je n’avais aucune connaissance en économie.
AIISA : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette responsabilité ?
Mme V : Elle était organisée par groupes de 3, puis de 4 les derniers temps du fait que l’effectif de la promotion augmentait d’année en année : groupes A, B, …Z, sauf Q et quelques lettres grecques.
Il s’agissait pour chaque groupe de disposer de données fournies par une entreprise et d’une question à résoudre à l’aide des outils statistiques et des logiciels utilisés en OAD. Le groupe bénéficiait du parrainage d’un professeur spécialiste de leur sujet. Je suivais chacun des groupes lors de rendez-vous réguliers. Le travail se terminait par une soutenance orale devant un jury comprenant le demandeur de l’entreprise. J’ai observé que ces projets intéressaient tous les étudiants : même les moins travailleurs y consacraient beaucoup d’énergie. Cette activité était pour moi source de contacts avec les entreprises, les autres professeurs, et évidemment avec les étudiants, et ces années-là ont été un vrai bonheur.
AIISA : Qu’est-ce qui vous a marqué parmi les élèves de l’ISA ? Y-a-t-il une spécificité des ingénieurs ISA ?
Mme V : Pour moi, ce fut la découverte du milieu agricole au travers des étudiants, dont nombre d’entre eux étaient fils d’agriculteurs, ce qui a donné à l’école son lien fort avec l’agriculture régionale. Il y avait une mentalité spécifique. L’équipe de professeurs, sous l’égide de Monsieur Dussautois, puis de Pascal Codron, a eu à cœur de former ces jeunes issus du monde agricole. L’enseignement que nous dispensions cherchait à favoriser une ouverture en permettant aux jeunes de se confronter à d’autres environnements. La rupture, qui poussait les jeunes à partir à plus de 300km de chez eux et à avoir un revenu, avait clairement cet objectif. J’ai poussé certains jeunes à suivre le module Théâtre dans le cadre de la formation humaine afin de les aider à vaincre leur timidité ou leurs difficultés à s’exprimer. En charge de la Formation Humaine, mes objectifs pédagogiques étaient clairs : nous les poussions à passer des oraux pour des présentations afin de les mettre en situation professionnelle. Nous avons cherché à les rendre autonomes pour qu’une fois en entreprise, ils puissent rapidement prendre leur place. Nous avons cherché à faire prendre conscience à chacun de ses potentialités. Ces jeunes bien formés trouvaient facilement des postes en quittant l’ISA.
AIISA : Avez-vous des souvenirs particuliers de ces jeunes qui vous auraient marquée ?
Mme V : J’ai vécu des moments forts avec les jeunes, notamment à l’occasion des semaines d’enquête avec Monsieur Lévêque. Une année, nous sommes allés au Bec-Hellouin. La promotion logeait au monastère. Les élèves se dispersaient durant la journée pour remplir les questionnaires pour un groupe de médecins. L’enseignement portait sur la manière de gérer une enquête, mais aussi de former les jeunes à la rencontre, à la manière d’entrer en contact avec des personnes. Nous avons vécu des expériences similaires à Angers, dans l’Est, et même dans le Haut-Pays. Cette semaine avait un fort impact sur la cohésion de la promotion.
AIISA : Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ces années de travail ?
Mme V : Je dirais que ce fut un travail idéal. Mon temps de travail a varié entre un 50% et un 90%. J’ai toujours cherché à privilégier la famille : les enfants étaient gardés à la maison par une dame qui arrivait le matin et préparait le repas. Je m’arrangeais pour être à la maison au retour de l’école, soit vers 16h30. Les enfants n’ont pas été perturbés, et j’ai pu accompagner nom mari dans des déplacements. La seule difficulté était la correction des copies.
AIISA : Comment avez-vous tourné la page après l’ISA ?
Mme V : A quelques mois de la retraite, je suis entrée au conseil municipal de La Bassée avec une nouvelle équipe. J’ai toujours été intéressée par la politique. Nous avions l’habitude de nous rencontrer avec un petit groupe pour discuter de sujets politiques. Avec le changement d’équipe, il y a eu beaucoup de choses à faire. Initialement, j’étais en charge de la communication.
Jouissant d’une certaine liberté d’action, j’ai mis mes compétences au service de la collectivité en informatisant les différents services : cadastre, plan du cimetière, bibliothèque, écoles… J’ai aussi formé les agents techniques à l’utilisation de ces outils. J’ai assuré des formations d’initiation dans un cyber-centre que nous avions mis en place. Ce nouveau travail a occupé de manière heureuse ce départ en retraite. Je pense que je me serais ennuyée si j’étais restée à la maison. Je n’y ai cependant pas retrouvé l’ambiance de travail d’équipe que nous avions à l’ISA du temps de Pascal Codron. En parallèle de cet engagement dans la cité, j’étais chargée de produire et distribuer le journal de la paroisse, et de quelques heures de catéchisme.
En 2008, je ne me suis pas représentée aux élections, j’ai opté pour du soutien scolaire à des élèves de tous niveaux, du CE1 à la 3ième du collège Notre-Dame de La Bassée. Et j’ai suivi de manière plus particulière un petit garçon qui était dans une situation familiale difficile : reprise des cours, devoirs, jeux… Il avait des difficultés à se concentrer en classe. Aujourd’hui, il est cuisinier. Ainsi j’ai pu constater que le nouveau système de suivi des élèves était très intéressant.
AIISA : Quels mots résumeraient le mieux votre parcours ?
Mme V : En bref : transmission du savoir, apprentissage des outils, travail d’équipe, accompagnement, ont été les mots-clés de mon travail – heureux - et de mes engagements.
Aujourd’hui, Madame Vandecandelaere se consacre avec son mari à leurs 3 fils mariés, leurs 10 petits-enfants et leurs 3 arrière-petits-enfants. L’un de ses petits-fils est aujourd’hui fraîchement diplômé de Junia ISA. Elle est rassurée de ce choix, connaissant la pluralité et la largeur des possibilités de postes qui s’offrent aux ingénieurs ISA.
Propos recueillis par Odile DEVRED (Promo 1982, ISA 16)
Mars 2023